09-06-2017, 01:37 PM
Bonjour,
Imaginons simplement que les enregistrements n'existent pas et qu'on arrête de jouer du jazz pendant 300 ans, que la musique, la culture et les modes, prennent de nouveaux chemins pendant ces 3 siècles, et qu'on retrouve les grilles et les indications données par Miles Davis aux musiciens juste avant l'enregistrement de Kind of Blue, et qu'on essaie de rejouer Kind of Blue.
On est totalement dans cette situation pour la musique de Bach ou Vivaldi et de moins en moins au fur et à mesure que l'on avance dans le temps. On dispose d'enregistrements de Richard Strauss ou de Rachmaninov en personne...
Ceux qui se sont remis à jouer du Bach après 3 siècles l'ont fait le plus souvent sans essayer de savoir "bon, c'est quoi cette musique", avec les orchestres de l'époque de taille totalement disproportionnée par exemple, et comme ils étaient connus et talentueux, ce qu'ils ont fait est devenu "une tradition réinventée".
A un moment, certains musiciens (Harnoncourt entre autres) se sont penchés sur la question de "bon, c'est quoi cette musique", par exemple en étudiant les instruments "anciens", en lisant les traités de musique de l'époque, les écrits, etc. En analysant les partitions, dans lesquelles il n'y a que très peu ou pas d'indications sur la façon de jouer, parce que il est inutile d'écrire ce qui est connu de tous au moment où on l'écrit, avec en plus des "gags" comme "piu andante" qui signifie plus vite pour Mozart, et plus lent chez les romantiques...
Que cela "plaise" ensuite à l'audition pou pas, la tradition réinventée a pris un coup dans l'aile, même si certains interprètes de cette tradition réinventée ont eu parfois des intuitions extravagantes, ou un travail personnel approfondi ou du génie.
Et puis une partie de ceux qui ont fait ce travail de recherche sur "bon, c'est quoi cette musique", sont totalement partis en vrille, en se mettant dans la "démonstration", et au lieu de "jouer la musique" se sont mis à jouer "regardez comme je suis intelligent". Cela a produit des interprétations débiles et indignes. C'est là que le surnom péjoratif de "baroqueux' est apparu.
Alors dans ce merdier, et sans aucun jugement de valeur de ma part sur les choix des uns et des autres, ou bien on écoute les interprétations qui nous "plaisent esthétiquement", ou bien on essaie de trouver les interprétations qui ont fait un vrai, travail approfondi.
Je peux donner des exemples personnels
Vivaldi par I Musici (fondé en 1952), bof par rapport à une Podger ou un Carmignola ou un Biondi.
Mozart par Bohm (1894-1981), bof par rapport à un Harnoncourt (sur instruments modernes) ou un Adam Fischer (aussi sur instruments modernes).
Beethoven et Mozart par Karajan (1908-1989), pourtant longtemps patron du festival de Salzburg, et époustouflant dans Richard Strauss, bof par rapport à un Gardiner
Dans l'autre sens:
Don Giovanni Mozart par Giulini, 1959 ou 9ème de Beethoven par Furtwangler, 1954, restent des références que les avancées et études historiques n'ont pas détrônées.
Je ne peux que vous conseiller de lire l'entretien avec David Grimal au sujet de "l'authenticité" disponible ici: https://www.les-dissonances.eu/wp-conten..._V10-1.pdf
Et en terme de lecture plus approfondie sur le sujet, les deux ouvrages d'Harnoncourt:
Le discours musical
Le dialogue musical
Et en guise de conclusion, une triste anecdote au sujet d'Harnoncourt qui montre si c'était nécessaire que les humains ne sont que des humains.
Il avait monté un orchestre sur instruments anciens, le Concentus Musicus, avec qui, en partage avec Gustav Leonhardt, il a enregistré entre autres l'intégrale des cantates de Bach.
Dans une interview donnée en 2011 ou 2012 trouvable sur le net, Harnoncourt explique qu'il n'a jamais osé jouer avec son orchestre sur instruments anciens au Festival de Salzburg, parce que peut-être les oreilles du public du Festival n'y étaient pas prêtes, et qu'il va le faire pour la première fois au Festival 2012 avec La Flute Enchantée et son orchestre Concentus Musicus.
J'ai assisté à une représentation de sa Flute à ce Festival 2012. Je suis dingue de Mozart, dingue de la Flute, et admiratif et reconnaissant à Harnoncourt qui a largement contribué à ma formation musicale.
C'était à chier. Il a fait jouer ses musiciens sur instruments anciens avec des articulations d'instruments modernes, l'orchestre n'était pas à son aise, et comment ne pas l'être quand on doit désapprendre, cela a entrainé un inconfort immense chez les chanteurs. A tel point, que je me suis endormi
"Naturellement", les critiques ont été dithyrambiques.
Amitiés
Imaginons simplement que les enregistrements n'existent pas et qu'on arrête de jouer du jazz pendant 300 ans, que la musique, la culture et les modes, prennent de nouveaux chemins pendant ces 3 siècles, et qu'on retrouve les grilles et les indications données par Miles Davis aux musiciens juste avant l'enregistrement de Kind of Blue, et qu'on essaie de rejouer Kind of Blue.
On est totalement dans cette situation pour la musique de Bach ou Vivaldi et de moins en moins au fur et à mesure que l'on avance dans le temps. On dispose d'enregistrements de Richard Strauss ou de Rachmaninov en personne...
Ceux qui se sont remis à jouer du Bach après 3 siècles l'ont fait le plus souvent sans essayer de savoir "bon, c'est quoi cette musique", avec les orchestres de l'époque de taille totalement disproportionnée par exemple, et comme ils étaient connus et talentueux, ce qu'ils ont fait est devenu "une tradition réinventée".
A un moment, certains musiciens (Harnoncourt entre autres) se sont penchés sur la question de "bon, c'est quoi cette musique", par exemple en étudiant les instruments "anciens", en lisant les traités de musique de l'époque, les écrits, etc. En analysant les partitions, dans lesquelles il n'y a que très peu ou pas d'indications sur la façon de jouer, parce que il est inutile d'écrire ce qui est connu de tous au moment où on l'écrit, avec en plus des "gags" comme "piu andante" qui signifie plus vite pour Mozart, et plus lent chez les romantiques...
Que cela "plaise" ensuite à l'audition pou pas, la tradition réinventée a pris un coup dans l'aile, même si certains interprètes de cette tradition réinventée ont eu parfois des intuitions extravagantes, ou un travail personnel approfondi ou du génie.
Et puis une partie de ceux qui ont fait ce travail de recherche sur "bon, c'est quoi cette musique", sont totalement partis en vrille, en se mettant dans la "démonstration", et au lieu de "jouer la musique" se sont mis à jouer "regardez comme je suis intelligent". Cela a produit des interprétations débiles et indignes. C'est là que le surnom péjoratif de "baroqueux' est apparu.
Alors dans ce merdier, et sans aucun jugement de valeur de ma part sur les choix des uns et des autres, ou bien on écoute les interprétations qui nous "plaisent esthétiquement", ou bien on essaie de trouver les interprétations qui ont fait un vrai, travail approfondi.
Je peux donner des exemples personnels
Vivaldi par I Musici (fondé en 1952), bof par rapport à une Podger ou un Carmignola ou un Biondi.
Mozart par Bohm (1894-1981), bof par rapport à un Harnoncourt (sur instruments modernes) ou un Adam Fischer (aussi sur instruments modernes).
Beethoven et Mozart par Karajan (1908-1989), pourtant longtemps patron du festival de Salzburg, et époustouflant dans Richard Strauss, bof par rapport à un Gardiner
Dans l'autre sens:
Don Giovanni Mozart par Giulini, 1959 ou 9ème de Beethoven par Furtwangler, 1954, restent des références que les avancées et études historiques n'ont pas détrônées.
Je ne peux que vous conseiller de lire l'entretien avec David Grimal au sujet de "l'authenticité" disponible ici: https://www.les-dissonances.eu/wp-conten..._V10-1.pdf
Et en terme de lecture plus approfondie sur le sujet, les deux ouvrages d'Harnoncourt:
Le discours musical
Le dialogue musical
Et en guise de conclusion, une triste anecdote au sujet d'Harnoncourt qui montre si c'était nécessaire que les humains ne sont que des humains.
Il avait monté un orchestre sur instruments anciens, le Concentus Musicus, avec qui, en partage avec Gustav Leonhardt, il a enregistré entre autres l'intégrale des cantates de Bach.
Dans une interview donnée en 2011 ou 2012 trouvable sur le net, Harnoncourt explique qu'il n'a jamais osé jouer avec son orchestre sur instruments anciens au Festival de Salzburg, parce que peut-être les oreilles du public du Festival n'y étaient pas prêtes, et qu'il va le faire pour la première fois au Festival 2012 avec La Flute Enchantée et son orchestre Concentus Musicus.
J'ai assisté à une représentation de sa Flute à ce Festival 2012. Je suis dingue de Mozart, dingue de la Flute, et admiratif et reconnaissant à Harnoncourt qui a largement contribué à ma formation musicale.
C'était à chier. Il a fait jouer ses musiciens sur instruments anciens avec des articulations d'instruments modernes, l'orchestre n'était pas à son aise, et comment ne pas l'être quand on doit désapprendre, cela a entrainé un inconfort immense chez les chanteurs. A tel point, que je me suis endormi
"Naturellement", les critiques ont été dithyrambiques.
Amitiés