Premières heures avec les Harbeth HL5 XD
Je viens de passer quelques heures, les premières, avec ces petites Harbeth et comme « il n’y a pas de seconde chance pour une première impression », je vous rends compte de mon ressenti à vif. Je tiens d’abord à remercier Marcucus92, les enceintes semblent sortir d’usine avec en prime un rodage parfaitement fait.
Mon dessein n’étant pas d’évaluer objectivement les enceintes, mais de rendre compte d’une écoute avec une subjectivité impénitente ; il n’est peut-être pas inutile d’en dire un peu plus sur le sujet.
J’écoute à 75% de la musique « classique » [symphonie, concerto, musique de chambre] et de la musique lyrique. Le reste est essentiellement du jazz [quasiment tout à l’exception des big bands].
La pièce d’écoute est acoustiquement décente, mais elle s’étire plus en longueur qu’en largeur ; aussi, la distance entre le point d’écoute et les enceintes n’excède pas les 2,5m/3m.
Le système consiste en un amplificateur McIntosh Ma8900 et deux DAC en rotation : un Hugo 2 & un Holo Spring 3 KTE. La liaison HP est assurée par un câble Esprit Celesta G9 (réputé pour favoriser la suavité et la musicalité de son médium). Mes autres enceintes sont des B&W 702 Signature et j’ai écouté de façon très extensive des Wilson Sophia / Wilson Sabrina X/ MBL 126 / B&W 802 D4 / Sonus Faber Olympica III. Je tracerai surtout un parallèle avec les 702 Signature en faisant, parfois, référence aux autres enceintes précitées.
I. La qualité de fabrication
Je ne m’étendrai pas sur le design que chacun peut apprécier en regardant la photo. Personnellement, j’adore ce côté classique / rétro. De mon point de vue d’Ostrogoth, c’est très bien ; mais des esthètes plus délicats pourraient regretter le désintérêt désinvolte du concepteur pour la paix des ménages. Sans verser dans le bellicisme formel des Wilson, on est quand même loin des courbes nautiques des Sonus Faber.
La qualité de fabrication est, à mon sens, sensiblement inférieure à celles des B&W (les bois & les finitions), les vis sont apparentes et le bois ne vous fait pas voyager. Fidèle à son origine studio, c’est une enceinte qui favorise la praticité et le fonctionnalisme : rien de clinquant, rien de luxueux, rien de superflu...Et pourtant rien ne manque.
II. Le son
Le premier malentendu que j’avais avec la marque était dû à ma fréquentation des forums d’outre-Manche. Pour moi les Harbeth étaient des enceintes chaudes, rondes et mates. La première écoute a tôt fait de me déniaiser.
I. La scène sonore
a. Largeur
De ce point de vue, j’étais vraiment gâté par les B&W 702 Signatures qui présentent une scène sonore d’une largeur incroyable (quasiment la même que sur les B&W 802 D4), aussi, mes premières écoutes sur les Harbeth m’ont donné l’impression que ces dernières étaient plus étriquées : la Schéhérazade de Rimski-Korsakov (Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra dirigé par Sascha Goetzel) semble avoir été jouée dans un boudoir, loin, très loin du grand espace stellaire dans laquelle la fixait la B&W.
Petite déception....suivie d’une chose intrigante : des morceaux enregistrés par des petits ensembles de Jazz sont retranscrits dans des espaces plus vastes. Chaque disque déploie une scène sonore qui lui est propre et je finis par comprendre que contrairement aux B&W qui étirent de façon toujours très agréable la scène sonore, minorant ainsi l’incidence de certains choix malheureux de la prise de son ; la Harbeth ne cache rien, ne corrige rien et elle vous présente la scène sonore telle qu’elle a été captée. Ce n’est pas toujours le son le plus agréable, mais c’est probablement le son le plus honnête.
C’est à peu près la même différence qu’il y a entre le Sennheiser HD800s & certains casques HiFiman.
b. Profondeur
La profondeur est tout à fait honnête et satisfaisante sur la Harbeth ; mais elle est, à mon sens, moins prononcée que sur les 702 Signatures (et beaucoup moins que la B&W 802 D4 qui est vertigineuse de ce point de vue).
c. Étagement des plans
Là encore, avantage à la B&W qui présente des plans très structurés, voire une scansion entre le premier et le second plan (le troisième était souvent aérien et semblant flotter au-dessus de l’orchestre).
La Harbeth présente ces même plans, mais de façon plus fondue, moins analytique.
d. Précision
La Harbeth est plus précise que la majorité des enceintes et peut-être au niveau des Wilson ; mais là encore, on n’est pas tout à fait au niveau des B&W qui sont chirurgicales.
II. Les registres
a. Aigu
Les B&W sont spectaculaires à ce niveau : des filaments de cordes à vous « percaliser la peau »; des filaments qui viennent d’on ne sait où dans une limpidité confondante de réalisme.
Les Harbeth, c’est autre chose : rien de spectaculaire, les aigus semblent être un prolongement du haut médium. Il n’y a pas de détachement, pas d’échappée. Les aigus sont là, tous là, mais n’attirent pas l’attention sur eux.
Dans les deux cas, il n’y a aucune trace de brillance ; mais je dirais que les aigus des Harbeth sont plus ronds et plus doux. Là, c’est vraiment une question de goût et d’association. Le Hugo 2 se marie mieux (pour les aigus) avec les Harbeth & le Holo avec les B&W.
Dans ce registre là, au réalisme des B&W répond la vérité des Harbeth.
b. Medium
Les B&W offrent un médium très agréable, mais plus en retrait que celui des Harbeth. Parfois dans certains opéras, quand la voix du chanteur est sur le même axe que celle à celle de l’orchestre, on a l’impression que les deux sont à la même distance du point d’écoute. Cette sensation est moins présente avec les Harbeth.
Pour les voix avec un ou deux instruments, il est difficile de prendre les Harbeth en défaut ou même de les battre (en y incluant des enceintes qui font 5 fois le prix).
Si on peut émettre une réserve, c’est que le bas médium ne semble pas assez vigoureux pour matérialiser physiquement certaines voix comme le fond les Wilson par exemple (ou des électroniques comme Naim qui boostent cette zone), mais en même temps, il y a dans le flottement éthéré des Harbeth des nuances de timbres particulières. Il faudrait écouter plus d’opéras ; mais j’ai du mal à imaginer qu’une des enceintes précitées puisse décevoir un amateur de musique. Pour les Harbeth, je pense que c’est presque impossible. Il faudrait que j’écoute plus de musique lyrique, mais j’ai l’impression qu’il y a un truc très spécial qui se passe pour les voix.
c. Le grave.
Si la préférence du traitement des aigus entre les 702 Signatures & la Harbeth est une question de goût et que le medium de la Harbeth est vraiment spécial (peut-être paradoxalement par sa neutralité) ; le point faible de cette enceinte est, à mon sens, le grave.
III. La dynamique
Si le Prat est perfectible, ce chaloupé à défaut de swing franc sert bien certains albums à l’instar du Respighi : Balkis Queen of Sheba Suite (Eiji Oue). L’absence d’incarnation charnelle, la présentation spectrale de certains groupes d’instruments doublé d’une véracité des timbres plante un décor oriental d’une rare puissance onirique.
Par ailleurs, les enregistrements dont j’aime l’interprétation et dont l'enregistrement me paraissait satisfaisant comme le Concerto for piano, cello and orchestra in C Major de Beethoven enregistré par David Oïstrakh dans les Studios Abbey Road (1958) me paraissent plus problématiques sur les Harbeth. A contrario, des enregistrements qui me semblaient très bons (intégrale de Rostropovitch chez Decca) me paraissent encore meilleurs sur les Harbeth.
IV. Harbeth HL5 XD pour qui pour quoi ?
Les Harbeth ne sont pas des enceintes parfaites. De toutes les façons, je n’en connais pas. Ce sont des enceintes discrètes, honnêtes qui révèlent de façon spectaculaire le moindre changement dans le système d’écoute ; ainsi, de toutes les enceintes que j’ai citées, les Harbeth sont celle qui révèlent de la façon la plus nette la différence entre mes différents DAC. Les Harbeth produisent un son magnifique quand l’enregistrement est très bon, mais s’il y a un problème dans la prise de son, ne comptez pas sur elle pour arrondir les angles et bonifier le son.
Elles sont paradoxales dans le sens où ce sont des enceintes de studios par leur honnêteté et des enceintes de plaisir par leur incapacité à tout retranscrire de façon ordonnée et mécanique.
Elles sont hautement recommandables à condition de savoir ce à quoi, on est prêt à renoncer. Si vous acceptez d’avoir une enceinte honnête, à revoir à la baisse vos attentes en matière de précision et de dynamique ; elles peuvent vous offrir une chose assez rare : une musicalité à transformer un audiophile en mélomane et des habitudes d’écoute analytique en plaisir d'écoute.
Mise à jour 11.08.2023
Après un échange avec Marc [High-End Audio], on convient d'un RDV à la maison pour revoir le placement des enceintes & optimiser certains points. Je tiens d'ailleurs à chaleureusement l'en remercier.
Ma pièce d'écoute s'étend en longueur et n'est pas très large. Initialement, les enceintes étaient dans la longueur et la distance entre le point d'écoute & le mur arrière était très courte. De plus l'enceinte gauche n'était séparée du mur latéral que de quelques cm. Marc suggère d'opérer les changements suivants :
1 - Mettre des pointes en Spike (issues d'une ancienne paire) en lieu et place des pointes livrées avec les Skylan.
2 - Découpler les enceintes de la base au moyen de plaquettes Rehdeko qu'il m'a gentiment prêtées.
3- Déplacer les enceintes dans le sens de la longueur de la pièce.
Résultats :
- Les basses sont naturelles & tendues. La boursouflure a complètement disparu. Rien ne bave (j'insiste là-dessus).
- Les voix et les medium d'une façon générale sont mieux détourés .
- Amélioration notable au niveau des étagements des plans et un gain très sensible en profondeur.
- On gagne en transparence et cette petite chose est peut-être l'enceinte la plus transparente qu'il m'ait été donné d'écouter (en y incluant des enceintes qui coutent 6 fois le prix).
- La dynamique est très très bonne.