[Magico S1 MK2]
Je n'ai jamais été particulièrement touché par Magico. Impressionné par le foisonnement de détails, oui, mais pas toujours ému, sauf exception (la S3 MKii, sur
mon disque, et sur salon). Bref, ma "rencontre émotionnelle" avec ces enceintes ne s'était jamais vraiment faite, malgré diverses écoutes. Mais je dois reconnaître que je connaissais insuffisamment ces enceintes réputées.
ÉLECTRONIQUE, PIÈCE ET PERSPECTIVE D'ÉVALUATION
Cette "rencontre émotionnelle" a enfin eu lieu, vendredi passé... Sur une électronique ruineuse? Non, sur un intégré Cambridge et un lecteur CD Moon 260D (avec son DAC intégré, €3450). Je suis sérieux. (le Cambridge est tout de même le modèle
Edge A, 100W/€6000; €5000 à sa sortie en 2018). J'ai fait l'écoute dans la perspective d'un urbain avec voisins, donc contrainte de niveau sonore: il était donc impératif de déterminer
comment elles jouent à bas volume. Et pas dans une appréciation top→down, c'est-à-dire celle d'un audiophile déjà équipé d'une pièce dédiée et d'électroniques presque aussi ruineuses que celles utilisées pour démontrer les Magico sur des salons, mais au contraire dans la perspective opposée, bottom→up, celle de l'amateur grimpant l'échelle des upgrades, à la recherche d'une nouvelle enceinte, et qui se stabilisera longuement (définitivement?) avec celles-ci, ambitieuses, et qui peuvent constituer ensuite un point d'ancrage stable pour l'évolution future de son système côté électroniques.
L'objectif était donc de partager un retour d'expérience faite
dans cette perspective, où il est central de se demander: "supposons que dans ces conditions j'entende seulement 60% du potentiel de l'enceinte, ou même 40%, voire 25%: est-ce que ça a encore un sens de les considérer comme point de départ à une évolution de système, laquelle peut toujours tarder à démarrer côté électroniques et pièce, vu les les impondérables de la vie ?" Je connais des amateurs dans ce cas.
L'écoute s'est fait chez un revendeur de la capitale, où d'ailleurs deux paires de Magico S1 MK2 sont actuellement à prix spécial (une occasion, et un exemplaire d’exposition, neuf). C'est sur base des prix ainsi fort rabaissés de ces deux exemplaires que j'ai évalué les S1 MKii, et non sur base de leur prix de vente neuf (prix neuf catalogue: €28.000 - là, on arrive dans les eaux territoriales de la nouvelle Stenheim Alumine Two.Five, à €26.000 après les taxes d'importations à l'entrée de l'UE, et qui même à ce prix, vu le contexte actuel, est encore particulièrement redoutable). La référence de prix considérée ici est à garder à l'esprit, surtout dans la perspective des augmentations de prix - toutes marques ! - annoncées pour 2025. (le revendeur m'a d'ailleurs partagé sincèrement son embarras à ce sujet.) La S1 MKii avait elle-même commencé sa vie commerciale à €22,5K.
Initialement, je désirais ouïr derechef les YG Carmel 2, unanimement louées (mais qui ne m'avaient pas convaincu sur salon), et les comparer avec les Magico S1 MKii. Entre-temps, ces Carmel 2 d'occasion sont retirées de la vente, et je suis donc parti sur une écoute 100% Magico, où j'ai abondamment permuté les S1 MKii avec le moniteur Magico Q1, utilisé comme point de repère.
Les S1 MKii semblent être encore un modèle actuel, ou alors tout juste sorti du catalogue (je ne les vois plus sur le site officiel Magico).
J'ai passé 6 heures, avec pause, en démarrant à
très bas volume afin de ne pas me "blaster" les oreilles, puis j'ai monté le son très graduellement. J'ai exploré successivement dans la journée trois "plateaux" de volume: très bas, modéré, niveau concert symphonique (à la place de l'auditeur au 4ème rang, soit moy 71dB / max 92dB mesurés sur un concerto pour piano où je m'étais retrouvé très mal placé). Afin d'apprécier la façon dont elles jouent en sourdine, j'ai même commencé à 38 dB moyen/49 dB max sur un violoncelle solo ! (sera noté "
moy 38dB / max 49dB").
Pièce à hauts plafonds, diffuseurs avant et arrière, tapis de corde, mais aucun autre traitement spécifique qui la distinguerait d'une pièce de vie normale.
MAGICO S1 MKii
Enceinte 2 voies, charge close (donc moins d'interactions avec l’acoustique de la pièce), 83,5dB, min. 4,1 Ohms (on est loin du 1 Ohms dans la zone 100-400Hz d'une plus grosse S). Alon Wolf, le concepteur, soutient même les avoir fait jouer de façon convaincante avec un ampli à tubes (pas qu'il les recommande, mais ils ne semblent pas a priori exclus).
La S1 MK2 semble être un modèle actuel (prix neuf catalogue: €28.000). Elle est l’enceinte de référence du jeune et excellent critique néerlandais Christiaan Punter, fondateur de Hifi-Advice.com (qui est d'ailleurs
aussi un professionnel du broadcast, et utilise des Genelec dans une autre pièce).
Les enceintes de référence de Christiaan Punter. Un tapis, non visible sur la photo, est évidemment disposé devant les enceintes.
J'ai écouté les Magico S1 MK2 en comparaison du moniteur sans compromis Magico Q1 (qui, lui, commence par contre à dater, mais constituait un jalon). À mon humble avis, la S1 MK2 est meilleure partout, et offre, même à plus bas volume, un medium et un bas-medium plus lisibles encore. Elle est aussi plus transparente, en ne lâchant rien sur la matière (prouesse).
MATÉRIAU SONORE
J'ai écouté presque exclusivement de la musique classique. Uniquement en matérialisé: CD lus par le lecteur Moon 260D (avec son DAC intégré, €3450).
J'adore Debussy, "musique de ciel et d'eau" (Harry Halbreich). Un important concert de musique de piano de Debussy donné par la pianiste française Élodie Vignon avait lieu la semaine passée dans l'excellent
Studio 1 du complexe Flagey (ancienne Maison de la Radio). Le concert coïncidait avec le lancement de son nouveau disque, un premier volume d'une intégrale Debussy, que j'ai acheté.
Le lendemain, pour l'écoute des S1 MKii, j'avais emporté
entre autres le disque d'Élodie Vignon, entendue la veille au Studio 1 de Flagey...où son disque a d'ailleurs été enregistré ! La boucle était donc bouclée: concert, puis, de retour à la maison, écoute de deux pièces du disque, au casque (très bon enregistrement, par Aline Blondiau, présente au concert, qui m'a dit avoir utilisé des micros Neumann M150). Enfin, le lendemain, écoute de ce disque sur les Magico S1 MK2 (et les Q1).
Mazette... Cinq mesures de piano et on comprend tout de suite "où on est"... (surtout: la main droite au piano ! C'est instantané).
J'ai également utilisé le disque de violoncelle solo de Pierre Fontenelle,
Roots (compositrices américaines contemporaines, Caroline Shaw entre autres). Très bien enregistré par le label Cypres dans l'exceptionnelle
nouvelle salle de Namur, où s'est donné le concert auquel j'ai assisté le 16 janvier à l'occasion de la sortie du disque. J'ai même été réécouter ce même concert, même programme (j'adore le violoncelle...), dans l’excellent Studio 1 du complexe Flagey à nouveau, en concert de midi le 31 janvier. (La nouvelle salle de Namur et le "petit" Studio 1 de Flagey, à Bruxelles, sont décidément deux <pîîîîîîp> de salles, crévindieu!)
Autres disque utilisés, entre autres:
- Stereophile Editor's choice test CD - STEPH016-2 © 2003 John Atkinson (piano, quintette à cordes, test de phase (guitare basse Fender), signaux sinusoïdaux)
- NRDS disque test #11 - extraits de Das Mikrophon (piano)
- Mendelssohn, quatuor N°6, Quatuor Ébène, Erato.
- Frescobaldi, Arie Musicali, dir° R. Alessandrini, Opus 111
- Sibelius, Concerto pour violon, Chicago S.O. dir° W. Handel, J. Heifetz violon - BMG/RCA, SACD/CD, 2005
OPÉRA:
- Debussy, Pelleas & Mélisande, Francois-Xavier Roth / Les Siecles, Harmonia Mundi, 2022.
- Wagner, Walkyrie, ouverture, Solti, remaster 2022.
- Rossini, le Duo des chats; Victoria De Los Angeles, Elisabeth Schwarzkopf, EMI (pour rire un peu; enregistrement public, un peu cru).
- Orfeo, Claudio Monteverdi, dir° René Jacobs, Harmonia Mundi
EN BREF
"
Alors, à bas volume, ça le fait ? " - Oui, ça le fait aussi :-)
"Et les timbres?" - Super. Denses, matériels, bien étoffés, complexes, pas de simplification apparente (lecteur de CD de €3K toutefois). Véridiques. Mais faut pas aimer la guimauve.
"Et la dynamique ?" - Oui, bien aussi. Micro-dynamique assez bien marquée, finalement, pour une enceinte de 83,5dB
"Et l'expressivité ?" - dans l'absolu, pas mal (mais peut mieux faire?). Attention, ce n'est de toute façon pas ce que je leur demandais
dans la perspective considérée (à la limite, une enceinte hyper-expressive et dynamique, façon bâton de dynamite, n'apporte-t-elle pas plus de problèmes avec les voisins?)
L'amateur de timbres justes, incarnés et matériels, de transparence, d'absence totale de son de boîte (caisse en aluminium), de remarquable lisibilité des medium et bas-médium saura apprécier leur justesse: pas de doute,
à ce prix (ou celui de l'occasion), c'est une enceinte pour le mélomane qui souhaiterait upgrader vers son éventuelle avant-dernière paire d'enceintes (voire la dernière?).
Restera la question du grave. À chacun de voir. Je ne suis pas exigeant sur sa
quantitié, mais sur sa
qualité. Du moment que le violoncelle est crédible, et les contrebasses bien audibles, même atténuées, je suis content. Je n'ai pas besoin d'extrême grave (qui requiert de toute façon 7,5m de recul pour être entendu
proprement; écoutant
mid-field, je n'entends d'ailleurs le 30Hz de mes Analysis que de la pièce d'à côté). Et les contre-bombardes d'un grand orgue s'apprécient je crois plutôt au concert de toute façon.
À suivre (il se fait tard...)