La tournée des popotes

[jalucine]

Après quelques démonstrations dignes d’intérêt en salon hifi à Paris, malgré des acoustiques de salle peu propices, je cherchais l’amateur pouvant me faire écouter les Dyptique audio dp 160 dans des conditions plus optimisées. Ce fut le cas récemment chez Bertrand, bien équipé avec une électronique MOON sélectionnée particulièrement pour les Dyptique, mais disposant d’un second système HdG dans la même pièce composé des Tannoy GRF additionnées de super-tweeter, sur Conrad Johnson. Coup double. La salle est traitée dans la partie hifi avec des parois semi-absorbantes, des gros rideaux et tapis. Il faut considérer que les grands panneaux sont assez directifs et limitent les réflexions autant sur les murs latéraux que sur plafond et plancher.

La lecture de CD étant possible sur le lecteur MOON, j’avais emporté le CD test n° 10 de la Nouvelle Revue du son !, belle synthèse de tous les pièges que l’on peut envoyer dans les jambes de tout système ambitieux pour vraiment savoir ce qu’il a dans le ventre. On commence par les Dyptique.




La caractéristique la plus immédiate à l’écoute de ces panneaux isodynamiques, déjà appréciée lors des démonstrations précédentes, est une résolution que l’on n’entend pas tous les jours. Il est certain que la membrane ultra-légère  mobilisée par la grecque conductrice parcourant sa surface et sans caisson derrière pour renvoyer des ondes sonores dans le désordre permet une absence d’inertie, une liberté de mouvement, qui s’entend par une pureté du son qui dépasse bien d’autres principes de fonctionnement.

En passant, avec cette résolution performante, on peut être surpris de la qualité de lecture CD du MOON, qui ne laisse passer aucune distorsion numérique. Il n’est pas possible de conclure une supériorité de CD ou de démat sans comparaison directe sur un même système que l’on peut optimiser pour chaque source, mais il semblerait que la guerre ne soit pas encore finie. Sur des systèmes aussi transparents et résolus que celui-ci, ou celui de Choimet par exemple, on s’attend à retrouver quelques défauts habituels du numérique en lecture CD, mais ce n’est pas vraiment le cas.

Le problème des systèmes très résolus et très transparents est qu’ils peuvent paraître désincarnés, au moins en première impression. Parce que si la restitution parait bien aérienne, si on se concentre sur les timbres des instruments ou sur les voix, on se rend compte qu’ils sont bien équilibrés et même très cohérents. Sur les voix du CD n° 10, par exemple le Lamento de la ninfa, dont la soprano est souvent « déstructurée » par bien des systèmes, eh bien on retrouve une tessiture de voix parmi les plus crédibles de ce que j’ai entendu. 

Le système est très à l’aise sur les guitares, les petites percussions, les pianos jusqu’à un certain niveau acoustique. Le test des applaudissements met également l’ensemble dans la catégorie réduite de ceux qui réussissent. Manifestement, le principe permet une mise en phase qui respecte les transitoires et donne une bonne présence et vivacité à la plupart des messages musicaux.

La spacialisation obtenue est assez bonne mais très dépendante de l’orientation des panneaux et un décalage de 40 cm par rapport au spot médian change beaucoup la perception. C’est assez difficile à expliquer car le son est généré comme une onde plane sur une certaine distance avec une diffusion latérale progressive et cela ne devrait pas poser de problème particulier dans la perpective et la focalisation, mais il faut reconnaître que l’image sonore est la plus convaincante pour un auditeur unique bien centré.

La position des panneaux par rapport aux murs a été travaillée pour obtenir un niveau de grave adéquat. Et il n’y a aucune frustration de ce coté là. On n’est pas devant des enceintes de sono évidemment, cela ne « cogne » pas farouchement, et les amateurs de reggae ou de batterie pourraient trouver cela un peu juste, mais en dehors de messages un peu trop poussés en bas, il n’y a pas de déficience, même sur de l’orgue, on entend les notes les plus basses.

Le grave est celui de panneaux, avec l’avantage d’une liaison au médium excellente, qui donne la cohérence aux timbres et leur incarnation sans peser sur la transparence. Il faut un peu se dés-habituer des enceintes closes ou des BR mal réglés dans des acoustiques à problèmes et qui sont à des degrés divers, subtils à intenses, le lot commun. 

Dans l’extrême grave, le fonctionnement en dipôle reste le mélange d’une onde avant avec une onde arrière, et quoi qu’on en dise, ce mélange inévitable n’est pas forcément ce que l’on peut souhaiter en théorie comme en pratique. Il est possible que les Tannoy juste derrière avec leur 38 absorbent une partie et jouent les bass trap. Si le haut du spectre bénéficie généralement du principe du dipôle, ce même principe dans le bas a l’avantage et l’inconvénient cités, et chacun jugera par lui-même selon ses critères.

En conclusion, de grandes qualités, quelques défauts très relatifs, un niveau qui met ce système à la hauteur du très haut de gamme, et on comprend qu’il puisse séduire les amateurs attentifs à des timbres cohérents, à des voix présentes, homogènes et détaillées, à une transparence exceptionnelle et une dynamique élevée sans atteindre des niveaux difficiles à gérer dans un habitat normal et pour des écoutes plaisantes.




Il est étonnant de voir cohabiter les Dyptique avec un système totalement opposé en conception et en prestations, constitué des Tannoy GRF et de l’électronique à tubes Conrad Johnson. Là, c’est la moitié basse du spectre qui est privilégiée avec une générosité et une dynamique qui rend l’écoute peut-être moins intellectuelle mais pas moins captivante. Il faut reconnaître que la liaison entre le grave et le pavillon médium aigu concentrique se fait sans accident, ce qui sur le papier n’est pas écrit d’avance. Mais les timbres sont bien respectés même si la présentation de la musique est  assez franchement différente. Comme chez Meloman, il est facile de changer de système selon son humeur du moment, le type d’enregistrement ou le style de musique. La vérité hifique ne peut résider dans un seul système.



Merci beaucoup à Bertrand pour son accueil et félicitations pour la mise au point de ses systèmes.