Allez ! Encore et toujours Pharoah dont je ne me lasse pas de découvrir la discographie.
Superbe enregistrement live de 1975 au studio 104 dont les bandes ont été retrouvées dans les cartons de l’ORTF, restaurées grâce au concours de l’INA.
Pressé par Optimal Media GmbH, le disque est sorti pour la première fois en 2020 via le label Transversales Disques et c’est une vraie merveille
https://www.discogs.com/release/14906052...Recordings
Voici les notes de pochette de Jacques Denis :
« Voici le quartet de Pharoah Sanders, avec Danny Mixon, au piano et à l'orgue, Calvin Hill, à la contrebasse et Greg Bandy à la bat-terie. Cette formation dans un chant d'amour œcuménique hérité de la dernière période coltranienne, mais mis en scène par Pharoah Sanders avec une emphase spectaculaire qui, lorsque l'on voit le spectacle risque de le faire ressembler à une fête de music-hall de patronage. »
Ainsi parlait André Francis, le Monsieur Jazz des ondes Radio France, au moment d'annoncer Love Is Everywhere, une des marottes du saxophoniste en cette épique époque.
Ce 17 novembre 1975, pour son retour en France, le natif de Little Rock atterrit au Studio 104, épicentre historique de bien des musiques obliques d'alors. Près de deux heures de concerts, le saxophoniste a le souffle long.
Au mitan des années 1970, celui qui fut intronisé Pharaon par Sun Ra, guide suprême d'une galaxie d'électrons libres, est au sommet de la pyramide, ayant gravé des opus majuscules sur Impulse! qui feront date dans l'histoire du jazz, voire au-delà. The Creator Has A Master Plan, pour paraphraser son thème référence d'un jazz que l'on dira spirituel, parfois même cosmique.
Comme une marque de fabrique. Trois notes et on sait que c'est lui. Ce n'est pas rien, c'est même tout. Ce cri typique, un souffle à la fois rustique et lyrique, transperce la version qu'il attaque pied au plancher de cet irradiant anthem, la contrebasse au taquet, avant de partir hors des grilles, comme en vrille, vers des hauteurs porté par un piano qui mute en orgue ésotérique.
Couplé aux claviers, ce son de ténor, ample, dense, intense, innerve ce vinyle inédit, une sélection qui débute par Love Is Here. L'amour encore, toujours, comme une obsession : il suffit de parcourir la discographie du disciple de John Coltrane qui lui a légué la foi en l'amour divin.
Ce thème qu'il reprendra trois ans plus tard avec la soul sister Phyllis Hyman sur l'album Love Will Find a Way, Pharoah Sanders en délivre une version sans paroles ou presque - mais avec percussions
-, boostée par le toucher du fidèle Danny Mixon, deux doigts straight ahead qui constituent un parfait contrepoint aux grands écarts du maître de céans.
C'est tout particulièrement le cas sur Farrell Tune, une improvisation baptisée du prénom pour l'état-civil du saxophoniste : du rythme et du blues dans les noires et ivoire, un simple motif qui tourne et retourne telle une joyeuse ritournelle où chacun a la possibilité de s'évader...
Et tant pis pour ceux qui n'y entendent rien de consistant. C'est le cas du compte-rendu du journal Le Monde, qui qualifie le saxophoniste de «paresseux démagogue » et voit en Danny Mixon un « invraisemblable pianiste du groupe fou de Dvo-rak et de Stravinsky ».
« Love is everywhere ! », aurait hurlé Pharoah Sanders, comme il le fait dans ce disque, dans un fervent final où le public communie en chœur cette ode à l'amour.
Ce n'est pas le moindre intérêt du LP que vous tenez entre les mains, qui documente un moment charnière de l'histoire du jazz. Les apôtres du jazz « mystique », célébrés par ceux qui croient aux lendemains qui swingueront autrement, sacrément, auront été à partir de la mort de John Coltrane stigmatisés par les gardiens du temple comme des usurpateurs, à qui l'on dénie le droit de s'inscrire dans ce continuum esthétique qui va du blues et du gospel au jazz le plus contempo-rain. Ils auront beau dire : le chant d'amour de Pharoah s'inscrit dans ce sillon.
Il suffit d'écouter / Want To Talk About You, standard écrit trente ans plus tôt par Billy Eckstine, l'un des chefs de file du jazz swing. Maintes fois parcourue par John Coltrane, cette sublime ballade est l'occasion pour l'un de ses héritiers de tout à la fois saluer l'éternelle aura du messie de la nouvelle chose et de prouver aux tenants de l'orthodoxie qu'il connaît bel et bien ses classiques, ayant pratiqué les big bands, le blues comme le rhythm'n'blues.
Des fonts baptismaux sur lesquels repose à tout jamais chacune des prises de bec du Pharaon. »