(06-06-2021, 08:28 PM)ThierryNK a écrit : Il faudra sinon que tu m'expliques comment une mesure peut te donner de l'information et des indications sur la stabilité et la précision d'une image (effet des réflexions) ou s'il manque un peu d'harmoniques dans une guitare (atténuation trop importante dans certaines bandes de fréquence). Je persiste à dire qu'il n'y a que l'oreille pour faire cela, une fois certaines bases acoustiques acquises, naturellement.
C'est vraiment dommage qu'on habite à plus d'une heure de route et pire dès qu'il y a un peu de circulation. Je regrette vraiment de ne pas avoir pu passer chez toi.
Amitiés
Bonjour Thierry,
Les mesures REW avec un sweep donnent plein d'informations très intéressantes, qui si elles ne représentent certes pas la totalité de ce que l'oreille humaine+cerveau perçoit, permettent de déterminer certains paramètres clés pour la création de l'illusion de la "représentation musicale enregistrée" par le cerveau.
On peut décider de s'en servir ou pas, bien entendu, mais je ne vois strictement aucun inconvénient à leur utilisation du moment qu'à la fin c'est l'oreille+cerveau qui décide de ce qui marche ou pas.
Il faut aussi comprendre que tout sera, à la fin, un compromis entre différents paramètres car hélas l'optimisation de certains paramètres entraine des inconvénients sur d'autres critères auditifs qui peuvent être plus importants.
Pour ce qui concerne la stabilité et la précision de l'image, il y a plusieurs paramètres mesurés qui sont très pertinents (j'entends par "pertinent" la "cohérence entre ce qu'on mesure et ce qu'on entend") et donc notamment très utiles pour placer un traitement passif.
A vrai dire, il n'y a que 2 paramètres clés, dont un seul concerne la pièce, l'autre étant intrinsèque aux enceintes (ie: la phase qui ne peut être corrigée que via une convolution si elle n'est pas correcte par conception des enceintes).
Il en est de même pour les timbres et je vais essayer de l'expliquer "simplement".
En fait, lorsqu'un enregistrement est bon (c'est à dire qu'il possède les informations permettant la reproduction de timbres et d'image corrects), les timbres et l'image sont déterminés principalement par le comportement des réflexions vs le signal direct.
Le signal direct et les réflexions dépendent évidemment de la qualité des enceintes (et aussi du matériel en amont mais ce sont surtout les enceintes qui vont déterminer ce qu'on pourra voir à la mesure).
Le signal direct est celui envoyé par les enceintes qui atteint le premier les oreilles de l'auditeur, mais sa dispersion horizontale (et verticale) est un paramètre important car elle détermine la "qualité" et l'"intensité" des réflexions qu'on va devoir gérer.
Schématiquement ce qu'il faut comprendre (ou admettre car je n'en ai pas vu la démonstration scientifique, mais je ne doute pas qu'il existe des études sur le sujet) c'est que la capacité à percevoir correctement les timbres par le combo oreilles/cerveau, dépend de la cohérence fréquencielle des réflexions (primaires mais aussi tardives) avec celle du signal direct.
En d'autres termes, si la réponse amplitude/fréquence des réflexions est similaire à celle du signal direct, la magie a plus de chances d'opérer que si ça n'est pas le cas (évidemment, il faut aussi que le signal direct soit correct, donc que les enceintes soient de bonne qualité).
Ce phénomène donne un avantage important aux enceintes dont la dispersion horizontale (et verticale) est très large et très bonne, ce qui est le cas des Giya (c'est même une de leurs caractéristiques clé).
MAIS, on va voir que c'est un gros inconvénient dans les petites pièces, car si c'est favorable pour les timbres, c'est très défavorable pour l'image.
La création de l'illusion de l'image dépend du rapport d'intensité entre le signal direct et les diverses réflexions. Lorsque les réflexions arrivent assez atténuées et pas trop tôt, le cerveau a le temps d'analyser le signal direct pour établir la localisation des sources telles qu'enregistrées dans la musique, puis de traiter les réflexions ensuite. Inversement, si les réflexions arrivent vite et peu atténuées, il va y avoir confusion avec le signal direct et l'image va être floutée, voire totalement détruite (notamment en profondeur car l'image droite/gauche est plus stable du fait de l'intensité différente entre les 2 enceintes).
MAIS, il ne faut pas non plus tuer complètement les réflexions, sous peine de perdre la "vie" de la musique (en fait on a l'impression de perdre de la dynamique et de l'espace).
Donc les enceintes comme les Giya, dans une petite pièce vont être handicapées car leur dispersion horizontale est large et les réflexions seront plus importantes qu'avec des enceintes qui seraient très directives et auraient donc des réflexions primaires atténuées de facto. Il est fort probable que dans une petite pièce, des biblios directives soient favorisées pour l'image au moins ! Par contre, les Giya seront, a priori, meilleures sur les timbres sur une zone plus large du fait de leur dispersion spatiale cohérente fréquentiellement.
Donc si je résume, ce qu'on cherche à obtenir pour les timbres et l'image, c'est:
- Des réflexions cohérentes fréquenciellement avec le signal direct.
- Des réflexions atténuées, décalées dans le temps, mais pas trop.
Et si on transpose cela en termes de ce qu'on peut mesurer simplement avec REW, on se rend compte qu'il y a quelques critères "objectifs" qui peuvent rendre compte de ces phénomènes. Certes, ça ne rend pas compte de TOUT, mais ça donne des critères qui sont, à mon avis, des conditions
nécessaires pour avoir de beaux timbres et une belle image. Ce ne sont pas des conditions
suffisantes, mais si elles ne sont pas remplies, tu peux être certain que tu ne seras jamais à l'optimum de ce que peut produire le système, voire même, tu peux être certain qu'il y aura des problèmes très audibles.
Mon expérience personnelle sur ce sujet est assez simple, la seule chose que je me suis efforcé de faire, c'est de remplir du mieux possible ces conditions nécessaires, et à chaque fois que j'ai progressé "objectivement" sur ces paramètres, la progression sur ce que j'entendais était très significative, voire parfois spectaculaire (cas des basstraps à panneaux fléchissants par exemple).
Ce qui est d'ailleurs intéressant aussi d'observer, c'est que la correction numérique (Trinnov ou Dirac que j'ai pas mal exploré) améliorent "objectivement" beaucoup des paramètres qu'on peut mesurer, et c'est souvent la seule option lorsqu'on n'a pas de pièce dédiée ou adéquate, donc leur utilité est colossale la plupart du temps, quoi qu'en disent leurs détracteurs. Et ça s'entend clairement aussi.
Les mesures qu'on peut utiliser pour les timbres et l'image, puisque c'était le sujet de ce long post, sont faciles à comprendre.
Pour l'image, on utilise l'ETC (Energy Time Curve) qui donne l'intensité (en dB) des réflexions au fil du temps vs le signal direct, et on essaye de positionner les traitements passifs afin de respecter les critères de ratio signal direct/réflexions au fil du temps, tels que définis par les gens qui ont étudié le sujet (je pense même qu'il y a une norme internationale sur le sujet, mais je n'ai pas cherché).
C'est très facile à obtenir dans une grande pièce, et en fait, c'est parfois directement obtenu (comme chez jalucine par exemple), mais c'est difficile dans une petite pièce. Dans une pièce comme la notre (4mx5m ou environ), c'est très difficile car les murs étant proches, les réflexions reviennent trop vite (et sont peu atténuées). On peut arriver à un très bon résultat cependant en privilégiant l'absorption. C'est ce que j'avais fait au départ, mais en fait, ça peut dégrader la réponse amplitude/fréquence car l'absorption n'est pas uniforme sur toutes les fréquences, et on impacte alors les timbres... C'est pourquoi j'ai opté pour plus de diffusion, au détriment de la performance absolue sur l'ETC, mais à l'avantage des timbres et de la "vie" de la pièce.
Pour les timbres, il y a plusieurs critères qu'on peut regarder, mais les deux que je trouve les plus parlants sont le decay et le RT60.
Le decay donne une vision de la réponse amplitude/fréquence en fonction du temps. On y voit très bien les anomalies dans le grave, mais aussi la cohérence globale sur l'ensemble du spectre.
La stabilité du RT60 donne une idée des problèmes d'absorption non homogène sur les fréquences.
Commes ces paramètres (ETC, decay, RT60) varient instantanément en fonction de ce qu'on utilise comme traitement passif et comment et où on le place, rien n'est plus simple que de les choisir et de les placer astucieusement pour "optimiser" ce qui peut l'être "objectivement". C'est au moins beaucoup plus rapide et efficace que de les placer à l'oreille et à l'intuition.
Et à la fin, dans tous les cas, c'est l'oreille qui décide !
La principale difficulté, c'est de trouver le bon compromis sur l'ensemble des paramètres, car il est contre-productif d'en optimiser un au détriment des autres. J'ai essayé de synthétiser l'ensemble des critères "objectifs" dans le Guide Bilan Acoustique (
http://forum-hifi.fr/thread-14665.html), avec des abaques simples à utiliser avec PowerPoint par exemple. Ça ne coute rien de faire son propre bilan, et lorsqu'on a sous la main des traitements passifs, d'essayer diverses versions pour optimiser la mesure, et se faire sa propre idée sur l'impact à l'oreille. On ne peut qu'avoir de bonnes surprises
Et si tu es tenté, ce serait avec plaisir que je te donnerai un coup de main pour le faire. Ça ne prend pas vraiment beaucoup de temps, et le résultat est souvent intéressant. Maintenant, il est fort possible que ce que tu as installé donne déjà un très bon résultat et dans ce cas, ce sera juste une confirmation que tu es à l'optimum dans cette pièce avec ces enceintes.
Et voici, à titre d'illustration, un cas correct, et un cas moins correct sur chacun des critères ci-dessus:
Un RT60 correct (sous-sol Giya actuellement)
Un RT60 déséquilibré, pourtant dans une pièce traitée partiellement.
Le decay en 2016 au sous-sol:
Le decay aujourd'hui:
Un ETC mauvais (pièce non traitée) et un ETC acceptable (sous-sol avec Giyas actuellement)