Chez DCC

[orfeo_monteverdi]

Ah, une après-midi chez DCC qui reçoit, et débouche bouteilles après bouteilles pour ses invités, c'est un vrai voyage (bouteilles 33 tours, après bouteilles-bandes et bouteilles-SACD).
Après ses upgrades, j'étais avide de (re)décourir le système de DCC, qui était finalement encore en chantier lorsque je l'avais découvert pour la première fois, il y a un an.

C'est la deuxième fois que j'entends ce système, et les nouvelles variables depuis ma première écoute il y a un an, sont en gros: 1) mise en oeuvre des enceintes par Sterling Trayle, un professionnel du set-up, 2) nouveaux amplificateurs: Krell & Tenor Audio => Blocs mono Thrax Phoenix à transistors SIT, 3) cellules: Etsuro Gold montée sur le bras SAT, et My Sonic Lab (MSL) Signature Diamond montée sur le bras tangentiel sur air de la platine Csport 4) quelques câbles phono ont été permutés, 5) magnétophone Studer upgradé. 
Quel plaisir!

Quelles améliorations m'ont-elles paru évidentes, un an après ? La scène sonore plus large, mais surtout: une plus grande densité de timbres partout en effet; un grave et une main droite au piano qui atteint maintenant une variété délectable (suivre les contrepoints en clé de fa au piano est un régal, ils sont d'une lisibilité remarquable). Je crois qu'auparavant, le registre de grave était peut-être moins clair et varié.

Concernant l'espace sonore désormais élargi par un plus grand écartement des enceintes, je ne vais pas redoubler par des truismes ce qu'on a tous vu en photo, et pu déduire: la scène sonore est évidemment  plus large, tout le monde s'en serait douté, et c'est vraiment bien. Mais il m'a semblé que le plus important est ce qui se joue dans cet espace désormais.

J'écoute, comme toujours, les yeux fermés le plus souvent.
Globalement et avec toutes les sources, on remarque des constantes: d'emblée on entend, on sent aussi, qu'on est en compagnie d'un système d'abord très silencieux, mais aussi et surtout, dont les enceintes sont de (quasi-)haut rendement (96dB): transparence phénoménale du système, sur tout le spectre. Très impressionnant. Vie, dynamique et véracité des timbres (lorsque l'enregistrement les a captés) sont de très, très haut niveau; alliage ductile et bondissant de matière, de densité grouillante de vie. Dans l'ensemble, sur l'aspect vie et dynamique, j'ai eu le sentiment d'être face à des enceintes à pavillons pour pièce à vivre. Je n'ai jamais rencontré d'enceinte à cône électro-dynamique (que je connaisse) qui approche à ce point les meilleurs pavillons (celles qui ne crient pas). Le tout, avec un équilibre que j'ai trouvé impérial, et où il m'était impossible de distinguer les différentes voies. J'avais un peu l'impression d'être face à un immense large bande.

Quant aux timbres et au côté "matière sonore", la palette est d'une largeur et d'une richesse assez étourdissantes, en particulier peut-être avec la cellule Etsuro Gold que j'ai beaucoup appréciée. Sur certains enregistrements, la MSL sur bras tangentiel est tout-à-fait à sa place, avec une justesse très concert, mais les timbres reculent de quelques rangs en termes de densité (la scène sonore restant à peu près identique; au concert en effet, avec la distance, la densité des matières sonores donne l'impression de se sublimer un peu, càd comme si elle passaient de l'état solide à l'état gazeux; une salle contemporaine exceptionnelle comme le nouveau Namur Concert Hall affaiblit toutefois avec bonheur cet effet de "sublimation" de la matière due à la distance). Grâce aux deux bras, nous avons pu comparer facilement les deux attelages cellule+bas.  Dans l'ensemble, j'ai préféré la Etsuro Gold à peu près deux fois sur trois, voire trois fois sur quatre. Barenboim (piano) et Jacqueline du Pré était un grand moment, sur les deux cellules, pour des raisons différentes. Le violoncelle est à la fois très beau et très réaliste, infiniment varié et chantant. Je dodeline de la tête et tape du pied. Arf, quel régal !
Les yeux fermés, au lieu de voir ceci...
 

...je vois cela.
 

Ces constantes ouvrent pourtant, par le jeu d'un paradoxe qui n'est qu'apparent, sur une versatilité au début presque déstabilisante pour l'auditeur, et qui devient grisante ensuite: au gré des disques, le système permute les univers sonores avec une agilité stupéfiante, et peut-être même (trop?) déconcertante pour nombre d'auditeurs habitués à de subtiles et plaisantes colorations qu'il chérissent, addictives et un peu répétitives à la fois.
À l'ouverture du niveau, chaque disque devient un univers sonore à part entière qui se déploie. Il faut accepter que, au gré des enregistrements et de l'état des vinyles, certains de ces mondes sonores seront plus âpres que d'autres. Ainsi par exemple l'Ouverture tragique de Brahms pour violon et violoncelle: à droite, violoncelle magnifique de présence et d'incarnation, à gauche - et compte-tenu du niveau élevé auquel nous jouions - : stridences de la section des cordes. C'est dans l'enregistrement (bande et vinyle, on a comparé les deux), et par son honnêteté, le système le fait savoir. Pas d'édulcorant ici. "La vérité est un breuvage trop amer pour l'innocent, pour qui il faut enduire les bords de la coupe d'un miel blond et sucré", dit à peu près Lucrèce.

Une découverte qui m'a laissé sans voix: les concerto de Beethoven par Mitsuko Uchida avec le Berliner Philharmoniker sous la direction de Simon Rattle, capté en numérique et gravé en direct to disc (2021 - discogs). Sur la Etsuro Gold, la main droite distillait des arpèges d'une subtilité iridescente proprement inouïe, je ne pense pas avoir jamais entendu la main droite du piano comme ça en vinyle (voire en reproduction sonore tout court?).


Sur le Studer upgradé, j'ai pu réécouter aussi le Concerto #20 de Mozart, par Clifford Curzon et direction B. Britten, qui m'avait tant impressionné la dernière fois. Mais juste après l'époustouflant Beethoven par Mitsuko Uchida précité, le contraste ternit sans doute mon appréciation, malgré la fluidité des bandes. Et leur matière aussi, bien que sur certains disques, la Etsuro Gold sur la platine n'est vraiment pas en reste de ce côté. Mais je ne connais rien (ne "comprends" encore rien?) aux bandes.

La voix est captivante de présence, d'articulation, de naturel et d'expressivité à la fois. On a limité la déprime du Voyage d'hiver à un lied de deux minutes, sur SACD SHM lu par le lecteur TAD (SHM-SACD Discogs).




Le lendemain de cette écoute mémorable, je voyais un ami audiophile équipé de Harbeth SHL5 XD amplifiées par un Gamut D200i, préampli Audio research LS17 et DAC EmmLabs. (Je possède une paire de M30.2 Anniversary dans un autre lieu; j'aime beaucoup Harbeth pour les timbres, même si ça joue un peu tout fluide et mélodieux, est beaucoup plus à l'aise sur le "legato" que sur les "staccato", les  percussions, etc). C'est dommage que ces deux écoutes se soient faites dans cet ordre (d'abord les Harbeth, et ensuite les Stenheim-Thrax aurait de loin été préférable, car...). La richesse tonale, le chromatisme, la densité, la variété de timbres, la dynamique, la vie, le souffle, la respiration, le côté "live" et la transparence et la cohérence du système Stenheim & Thrax, certes beaucoup plus cher, est sans aucune comparaison possible (et un point qui m'a tout de même surpris est sa beaucoup, beaucoup plus grande variété de timbres, et d'une meilleure densité également).

Bref, j'ai adoré cette synthèse réussie entre l'équilibre et la démesure, entre l'apollinien et le dionysiaque, que Nietzsche jugeait miraculeusement synthétisés dans la musique de Wagner (tu vois, on a beau virer Wagner par la porte, il revient par la fenêtre ;-)
Quelle réussite! À titre de  mélomane qui a plutôt le concert dans l'oreille, je suis pour ma part complètement emballé (et s'il faut, on adapte le niveau pour les vieux enregistrements parfois un peu aigres sur les cordes). Pour le dire avec mes mots, par rapport aux systèmes HDG ou THG "classiques", j'ai ressenti un voile se lever sur la scène, et d'autre part une richesse et une palette de timbres justement saturés, comme si les instruments prenaient réellement vie avec certains disques. Ce devrait être particulièrement flagrant sur des pièces ouvertement plus chromatiques que mélodiques (exemple: Schubert, moments musicaux D 780, Adam Laloum, piano, accords de tierce mineure au piano, etc), et déjà très audible sur tout ce que nous avons écouté. À mon sens, un système d'une "intelligence musicale" rare, et pour mélomanes only (un audiophile averti en vaut deux). 
Merci pour cette écoute, DCC, pour ma part, c’était grandiose 

Je crois que je n'écouterai pas sur haut-parleurs pendant quelques jours, mais plutôt au casque, histoire de passer par un salutaire palier de décompression.


PS: avis à tous, Alexandre Kantorow, "le nouvel astre du piano" titrait Diapason, sera en concert à Bruxelles et à Namur les 17, 18 et 19 janvier. Il a gagné le Premier Prix du concours Tchaïkovski à l'unanimité, ce qui n'était jamais arrivé.