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Oui RIP Brian, génie de la pop !
Tiens je ne résiste pas au plaisir de partager ces bonnes pages de Mike Brown sur Brian Wilson, extraite de sa bio de Phil Spector, Le Mur du Son (Sonatine) :
Brian Wilson, le leader des Beach Boys, idolâtrait Spector depuis le jour où il avait entendu pour la première fois Darlene Love chanter «He's Sure the Boy I Love», en 1962.
Des années plus tard, Wilson expliquerait qu'on n'imaginait pas à quel point ce disque lui avait ouvert « une porte en matière de créativité.
Certains disent que les drogues peuvent ouvrir cette porte. Mais dans mon cas, c'est Phil Spector qui l'a ouverte pour moi.»
Les premières chansons que Wilson composa pour les Beach Boys - d'innocentes et joyeuses bluettes célébrant la sainte trinité californienne du soleil, de la mer et du surf - avaient été assemblées à partir de deux éléments de base : les riffs de guitare de Chuck Berry et les harmonies funèbres des Lettermen.
Mais les productions magistrales de Spector allaient inspirer à Wilson une vision plus large. «J'ai été incapable de véritablement penser comme un producteur tant que je n'ai pas été parfaitement familier de l'œuvre de Spector, expliquerait ultérieurement Wilson. C'est à ce moment-là que l'ai commencé à concevoir l'expérience d'un album entier et non plus simplement d'une chanson. » Pour Wilson, Spector représentait le summum de ce que pouvait être un producteur; sa musique n'était pas seulement épique, émouvante, «tellement ample et passionnée », pour reprendre les mots de Wilson, elle connaissait aussi un succès phénoménal - aspect important pour Wilson, qui avait toujours recherché la réussite commerciale, celle-ci étant pour lui la mesure de la véritable valeur d'un disque.
Wilson passait parfois chez Gold Star pour regarder Spector à l'œuvre. Pendant l'enregistrement de l'album de Noël, Spector l’invita à jouer des parties de piano, mais, énervé et agité, Wilson fut incapable de lire la partition et s'en alla. S'il admirait énormément Spector, Wilson était aussi très intimidé par lui.
«l'ai observé la façon dont Spector travaillait en studio, remarquant que comme moi il n'avait qu'une et une seule idée en tête, créer la chanson parfaite», déclarerait plus tard Wilson dans son autobiographie Wouldn't It Be Nice? «L'autre similarité qui ne m'a frappé que des années plus tard, c'est que sa personnalité aberrante était peut-être son meilleur outil pour faire des disques, lui permettant de manipuler les gens à sa guise afin qu'ils fassent exactement ce qu'il voulait. Il ne se pliait pas aux exigences du monde: il faisait en sorte que le monde se plie à ses exigences à lui.»
Spector, quant à lui, traitait Wilson avec une indulgence paternaliste, heureux de l'avoir en studio, considérant la vénération que lui vouait Wilson comme coulant de source; il lui reconnaissait du talent, mais ne l'envisageait pas un instant comme un rival sérieux. Phil Spector n'était pas du genre à envisager qui que ce soit comme un rival sérieux.
Wilson était tout particulièrement enchanté par «Be My Baby» qu'il considérait comme le plus grand disque pop jamais enregistré. «Brian a dû écouter "Be My Baby" dix millions de fois, se souvient Bruce Johnston, qui intégra les Beach Boys en 1964. Apparemment il ne s'en lassait pas. » Inspiré par cette chanson, Wilson écrivit «Don't Worry Baby» dans l'intention de l'offrir à Spector, pour qu'il la fasse enregistrer aux Ronettes.
Mais, craignant le refus de Spector, il changea d'avis et l'enregistra finalement avec les Beach Boys. En juin 1964 le titre atteignit la 24ème place des charts.
Aussi fragile que talentueux, Wilson fit, cette même année, sa première dépression nerveuse. Tandis que les Beach Boys continuaient de donner des séries de concerts, lui se replia en studio. Désireux de reproduire la magie des enregistrements de Spector, il commença à faire appel à des musiciens du Wrecking Crew pour les disques des Beach Boys. Les chansons sur le surf et les grosses bagnoles cédèrent le pas à des réflexions plus subtiles sur l'amour et la conscience de soi. Mais c'est en écoutant Rubber Soul des Beatles qu'il eut la révélation.
« En l'entendant pour la première fois, j'ai flippé, a-t-il déclaré. Rubber Soul, c'était une série de chansons... qui formaient un tout homogène comme cela ne s'était encore jamais fait sur un album, et ça m'a beaucoup impressionné. Je me suis dit : Je veux faire un album comme ça... un album entier avec uniquement des bons trucs. »
Pendant l'été 1965, Wilson se mit à composer des chansons en collaboration avec le parolier Tony Asher, et il entra en studio début 1966 pour commencer à travailler sur l'album qui serait baptisé Pet Sounds. Constitué d'un cycle de chansons sur le désir adolescent et l'innocence perdue, aux mélodies élégiaques serties dans des arrangements d'une étonnante sophis-tication, Pet Sounds allait apporter à la pop music son nouvel étalon-or. Wilson expliquerait que « ce n'était pas vraiment un concept album en termes de chansons, ce n'était pas non plus un concept album en termes de paroles... C'était un concept album en termes de production. » Les Beatles avaient peut-être imposé de nouveaux critères en matière de chansons, mais c'est le génie de Spector en studio que Wilson tâchait de reproduire.
Il déclarerait après coup que même le titre de l'album était un hommage, portant les mêmes initiales que celles de son héros mais ceci semble fort improbable, vu que le titre avait apparemment été imaginé par Mike Love, autre membre des Beach Boys.
Cependant Pet Sounds serait également le Waterloo de Wilson. Obnubilé par l'idée de surpasser son propre chef d'œuvre, et de plus en plus pris dans les rets de la drogue, Wilson perdit lentement pied. Son obsession pour Spector avait toujours eu une dimension plus sombre. Certes il idolâtrait Specter, mais il le craignait également. À présent il était persuadé que Spector était un «gangster de l'esprit» qui dirigeait son cerveau. En regardant L'Opération diabolique, le film avec Rock Hudson, il « entendit» Spector s'adresser à lui depuis l'écran de cinéma.
«Le simple fait de penser à Spector actionnait une sorte de manette en moi, écrirait-il plus tard. Je me sentais intimidé, j'avais peur. Je n'arrêtais pas de penser à la perfection et à la grandeur à laquelle j'aspirais, et à la probabilité de ne jamais l'atteindre.»
Pendant les vingt années suivantes, Wilson allait être pris dans une infernale spirale marquée par l'usage de stupéfiants, la psychose et l'obésité chronique, jusqu'à retrouver son équilibre dans les années quatre-vingt-dix. Ce qui ne l'empêcherait jamais de considérer Spector avec un mélange d'admiration et de crainte. Lorsque j'ai rencontré Wilson en novembre 2001, il a décrit Spector comme «une personne très effrayante.
Quelqu'un d'égoïste, complètement centré sur lui-même. Une façon de parler très effrayante. Une personne très effrayante.»
«Brian était tout simplement fasciné par Phil et son œuvre, dit Bruce Johnston. Je me rappelle l'avoir accompagné à une séance des Righteous Brothers; Phil était seul maître à bord, et Brian est resté assis à regarder, transi, totalement subjugué. Il considérait Phil comme un génie. Mais à mon avis, si Phil possédait un éclat incontestable, le vrai génie, c'était Brian.
«La très bonne initiative de Brian a été d'embaucher le groupe. En faisant appel au Wrecking Crew - la section rythmique, la section de cuivres et les cordes -, il a acquis un bel outil pour accompagner l'évolution de sa musique, l'évolution de ses chansons, mais dès la première mesure il avait dépassé Phil. On peut dire que le "Surfin" des Beach Boys était au niveau de "To Know Him". "California Girls" peut être comparé à "Be My Baby". Mais Phil n'a pas dépassé ce stade; il n'a jamais eu accès à la stratosphère où évoluait Brian avec Pet Sounds. Le mur de son avait ses limites, il y avait une frontière au-delà de laquelle il ne pouvait pas aller. C'est comme un petit garçon qui fait quelque chose de très mignon et est applaudi; il réfléchit pour faire autre chose qui lui vaudra des applaudissements, mais cette fois ce n'est plus aussi mignon. Je pense que Phil s'est mis à croire en sa propre légende, aux articles écrits à son sujet. Je ne crois pas que cela soit arrivé à Brian, et à ce jour, Brian n'a toujours pas réalisé à quel point il a excellé.
C'était comme si Cary Grant avait grandi sans miroir.»
Phono Linn Sondek Akurate LP12 et Parasound Halo JC3+
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