Quel avenir pour la musique classique en HiFi ?
On pourrait (devrait?) presque retourner la question:
quel avenir pour la hifi chez les amateurs de musique classique ?
Vers une séparation de deux mondes? D'un côté, la musique reproduite (le plus souvent non-classique), et de l'autre, la musique vivante, à laquelle assistent les assidus des concerts, qui ne sont que tristement peu intéressés (et peu informés) par la haute-fidélité ?
[anecdote authentique et récente] - quand je vois le regard interloqué d'un démonstrateur à qui un visiteur demande du classique sur un salon hifi, qui cherche et trouve ce qu'il peut, n'y connaissant rien, puis lance...l'Adagio d'Albinoni - LA musique d'enterrement par excellence - parce c'est ce que son stupidophone a trouvé comme correspondance au mot-clé "classique", et qu'un critique audio américain écrit que "passer du classique [sur un salon] est le meilleur moyen de vider une salle", on peut sérieusement se poser la question (quant au divorce des deux mondes précités).
ALORS QUE quand je demande à un démonstrateur de passer un "petit truc classique" (héhé ;-), il se passe À CHAQUE FOIS LA MÊME CHOSE, PARTOUT, À CHAQUE DÉMO,
ÇA NE RATE JAMAIS: silence religieux, plus personne ne bouge, les jeunes non plus, ils shazament même le truc! Plus personne ne sort de la démo, les entrants restent, donc la salle est bondée en 5 minutes. Je me répète: À CHAQUE FOIS, C'EST PAREIL ! (voir les 2 exemples, ci-dessous)
Donc c'est gravement se fourvoyer - surtout si on fait ce métier ! - que de se dire que
"la musique classique, plus personne n'en écoute", ou encore:
"elle fait sortir les gens des salles de démo". Méjuger à ce point est le résultat d'un terrible manque d'information.
Solution ? Publier des playlists (sans l'Adagio d'Albinoni) à l'attention des importateurs qui font les démos?
EXEMPLE 1, salon de Bruxelles, 2014 - extrait de mes notes:
- Les
Quad semblent avoir mûri
depuis leur modèle 989 d'il y a une 12 aine d'années, trop maigres comme presque toutes les électro-statiques. Ces ESL-2912 étaient plus convaincantes (mais, non, ce ne sont pas elles, mon Très Gros Coup de coeur ;-)
Comme mon exaspération commençait à monter face au niveau de bruit généralisé qui grevait cette écoute (un vrai marché; des visiteurs discutaient bruyamment sur le côté; dehors, une démo type "boum-boum" vrombissait jusqu'à venir empêcher les Quad de chanter; la grande porte était ouverte et les gens allaient et venaient en tous sens, en parlant - insupportable).
J'ai alors tenté une expérience "burnée". J'ai demandé au démonstrateur de passer un des
mes disques, ET de fermer la porte. Il a hésité. Je lui ai promis qu'il ne le regretterait pas. Les sièges étaient à 50% inoccupés, ça allait, venait et discutait dans tous les sens. On ne risquait donc rien puisque,
de toute façon, cette démo (comme tant d'autres pour les même raisons) ne ressemblait à rien.
Dès les 1ers arpèges joués au piano par
Ivo Pogorelich dans la fantaisie KV397 de Mozart [facile, je sais...] (de la musique, pas de l'audiophilie, mais enregistrement superbe), peu à peu les gens se sont assis. On a fermé la porte. On entendait enfin le piano et son envoûtante subtilité. Et, progressivement,
silence complet! Le calme des
auditeurs s'imposait naturellement aux
discuteurs restés debout sur le côté. Ils se sont vite rangés derrière, car ils sentaient bien que "qqch se passait", et toujours debout car il ne restait plus une seule place assise dans la salle ! (pas mal, pour du classique).
Expérience révélatrice: une écoute quasi-religieuse avait pris forme tout à fait naturellement, en 2 min. à peine, en lieu et place du brouhaha agité d'une écoute par conséquent insignifiante, qui brassait de la muzak audiophile sans intérêt.
Je peux vous dire que l'importateur m'a remercié et a immédiatement pris note du disque. Il doit certainement se souvenir de cette expérience.
EXEMPLE 2 - 13/7/2024 - TAD Grand Evolution One & MSB, dont MSB Cascade - extrait de mes notes:
TAD Grand Evolution One (GE-1), je suis resté toute la journée. (Heureusement d'ailleurs.)
C'était
nettement meilleur dans l'après-midi. C'est
aussi largement dû aux choix musicaux (trop de "girl with guitar" le matin, et de mauvais enregistrements). Le matin: hormis Billie Eilish, p.ex, beaucoup d’enregistrements passés étaient inécoutables sur pareil système, très "monitoring", mais au meilleur sens du terme.
À mi-chemin entre
playback et
monitoring, le système s'est démarqué dans l'après-midi: deux exemples, que malheureusement personne sur ce fil n'aura entendu, joués en après-midi:
1.
Schütz and his Legacy (Alice Foccroulle, soprano; accompagné par: orgue, théorbes, ...).
Diapason d'Or de l'année (2017). Technique 5/5. Nous avons écouté les deux premières plages (tirées des Psaumes de David).
référence Discogs.
A-HU-RIS-SANT de beauté ET de réalisme. On en redemande. Tout le monde était subjugué, un silence total s'était fait dans la pièce. Un auditeur saute sur Shazam, qui ne trouve pas, et photographie ma pochette (que j'avais avec moi, mais on passait du streaming). Selon moi, l'équivalent du concert, ou presque. (Et sur
Eyle Mich Gott Zu Erretten, l'orgue aura délivré le meilleur grave de toute la session d'écoute, amha, profond et très articulé.)
2. Sur la platine Kuzma:
Brahms, Concerto pour piano No.1 - Artur Rubinstein piano, Fritz Reiner Conductor, Chicago Symphony Orchestra – Version RCA Living Stereo.
Superbe, profond, impérial, suave. Idem, on en redemande.