05-25-2016, 10:09 PM
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tu as bien vu les failles de ma reflexion qui m'appairaissaient au fur et à mesure de son développement.
je n'ai malheureusement pas ta culture pour dialoguer avec toi de façon claire et constructive.
je m'appuierais donc sur Stravinski pour affirmer que la musique n'exprime rien.
elle révèle en chacun de nous des émotions personnelles,liées à notre passé,à notre sensibilité.
elle est née de l'humanité et s'est codifiée plus que tout autre art.
et pourtant c'est le plus universel .
je terminerai par une boutade plus audacieuse qu'il n'y parait:
la grande chance de Dieu,c'est d'avoir rencontré JS Bach.
cordialement.
(05-25-2016, 07:06 PM)rogers a écrit :roger(05-25-2016, 03:33 PM)noisette a écrit : @roger
je ne pense pas qu'une musique soit triste de par sa nature , ni joyeuse d'ailleurs.
elle peut etre rythmée , invitant à la danse,on la trouvera donc joyeuse.
mais par exemple l'adadgio pour cordes de Barber,utilisé si souvent pour des obsèques,on le trouve triste de par ses cordes qui s'étirent à l'infini jusqu'au paroxisme de la douleur.Mais fait le écouter par un Chinois ou un Indien qui n'a pas les memes codes culturels,il ne lui accordera pas le qualificatif de triste.
pire .fait le orchestrer autrement,en le rendant plus vif et rythmé,et il deviendrait incongru dans une église,mais on pourrait le siffler joyeusement dans la rue.
ce n'est qu'une reflexion pondue à la va vite,pas une analyse .
musicalement
Réflexion séduisante, dont il resterait à vérifier la pertinence. Il me semble tout de même que les sentiments humains fondamentaux se traduisent par des " équivalences" musicales à peu près universelles, qui ne se résument pas au tempo ou au rythme, même si celui-ci semble donner prioritairement son sens " psychologique " à une musique. L' adagio de Barber est un... adagio. Si vous lui donnez un tempo rapide et un rythme de valse ou de salsa, c'est simplement une autre musique.
Sans aller jusqu'à modifier radicalement le tempo, on peut de façon plus subtile modifier pourtant considérablement la perception d'une musique. Cela est patent - mais pourrait sans doute l'être également avec l' adagio de Barber - avec l' adagietto de la 5ème symphonie de Mahler, dont on a parlé plus haut. Beaucoup d'interprétations en font une page tragique, avec un paroxysme en effet comme un possible sommet de douleur. C'est l'option retenue pour le film de Visconti " Mort à Venise ". C'est par exemple sur ce paroxysme qu' on voit s' effondrer près d'une fontaine , ivre de maladie, de fièvre et de désespoir amoureux Eishenbach, le compositeur. La parenté entre la musique et la situation dramatique paraît alors si évidente qu'on a ensuite beaucoup de mal à les dissocier. Ceux qui ont découvert cette musique à l' occasion du film ont alors beaucoup de peine à l' entendre autrement. Cela aussi est un déterminisme culturel de l' écoute.
On a reproché à Visconti d' avoir détourné, comme pour beaucoup d' autres cinéastes qui ont utilisé des partitions " classiques " , d' avoir même d'une certaine manière confisqué à son profit cette musique. Ce qui n'est pas faux.
En effet, les spécialistes de Mahler tiennent cette page, selon les intentions déclarées du compositeur, pour un moment de ... sereine méditation , pas loin d'une forme d' ataraxie, sans le moindre rapport avec le tragique , surabondant ailleurs dans l'oeuvre de Mahler, mais précisément pas dans ce cas !
On pourrait imaginer que ce sont les images du film qui orientent notre perception " psychologique " ou même " philosophique " de la musique. Mais non, car à l' écoute " pure ", dégagée de toute image, de nombreuses interprétations de cet adagietto on identifie facilement le choix qui est fait, alors même que les tempos retenus par les chefs sont dans l' ensemble assez proches. C'est une question de modelé des phrases, de gestion de la dynamique, de choix des couleurs, de la place attribuée à la harpe, enfin d'une infinie gamme d'options pas forcément spectaculaires, mais qui vont nous faire apprécier le choix interprétatif du chef comme légitime ou pas - et même le compositeur comme trahi ou pas ! - dans un cadre qui lui, est tout de même relativement limité. C'est le revers heureux de la formule un peu décourageante de Stravinsky selon laquelle " la musique n'exprime rien ", à savoir qu'une même musique - je dis bien une même musique et non l' adagio de Barber par rapport à une version reggae ! - peut donc " tout " exprimer, des sentiments, des états d' âme , des dispositions psychologiques, des imaginaires fort différents, y compris dans le cadre de la même culture !
C'est d' ailleurs de manière essentiellement émotionnelle, psychologique , en relation avec la vie de l' auteur , qu'on parle de musique : il suffit d' écouter Frédéric Lodéon présenter les oeuvres de son " Carrefour de Lodéon" sur France Musique. Mais comment faire autrement, tant qu'on n' aborde pas la musique " contemporaine ", qui n' échapperait peut-être d' ailleurs pas davantage au psychologisme ?
La moindre chansonnette, le moindre " tube ", même le plus inepte musicalement, exprime des affects universels.
Vous écriviez " la musique transcende le drame ". Quels sont alors les ressorts de l' émotion esthétique, au-delà de l'expression des affects . Il semble bien qu' en musique, plus encore que dans les autres arts - et c'est ce qui fait peut-être que le clivage entre les goûts y est plus fort qu' ailleurs - l'explication soit réservée aux professionnels. S'il est relativement facile de dire pourquoi une oeuvre picturale ou une oeuvre littéraire est " belle ", c'est une autre paire de manches en musique il me semble. Ce qui me rappelle une formule de Berlioz à propos d'une de ses oeuvres et que je cite approximativement, de mémoire, montrant qu'on est en ce domaine à peu près condamné au silence : " Inutile d'expliquer aux connaisseurs: ils sont compris. Inutile d'expliquer aux autres, ils ne pourront pas comprendre." !
Voilà , j' interromps ici cette réflexion pondue avec bien de la peine ! J' y suis au sommet de mes forces et donc épuisé . Faut que j' aille boire quelque chose !
Cordialement,
rogers
tu as bien vu les failles de ma reflexion qui m'appairaissaient au fur et à mesure de son développement.
je n'ai malheureusement pas ta culture pour dialoguer avec toi de façon claire et constructive.
je m'appuierais donc sur Stravinski pour affirmer que la musique n'exprime rien.
elle révèle en chacun de nous des émotions personnelles,liées à notre passé,à notre sensibilité.
elle est née de l'humanité et s'est codifiée plus que tout autre art.
et pourtant c'est le plus universel .
je terminerai par une boutade plus audacieuse qu'il n'y parait:
la grande chance de Dieu,c'est d'avoir rencontré JS Bach.
cordialement.