Je suis en plein 90’s revival grâce au magnifique hors série de Magic :
J’en profite pour faire de la pub : vous pouvez vous procurer ce hors série par ici :
https://www.magicrpm.com/comment-vous-pr...rdataires/
Alors je me fais plaisir en rachetant des reissue vinyles des albums cultes que j’ai souvent eu en copie sur des cassettes audio TDK… Toute une époque !
C’est le cas du premier album des Stone Roses paru en 1989 :
https://www.discogs.com/release/5581078-...tone-Roses
Voici la review extraite du Hors série de Magic :
THE STONE ROSES
The Stone RoseS (SILVERTONE RECORDS)
À Manchester dans les années 1980-1990, les jeunes gens des classes populaires ont l'habitude de dire que les deux seules alternatives au chômage ou au travail à l'usine sont le foot - dans l'un des deux célèbres clubs rivaux, Manchester United et Manchester City - ou le rock. L'histoire industrielle de la ville et le violent contexte économique des années Thatcher ont façonné des musiciens principalement issus de la classe ouvrière, qui envisagent le rock par le prisme d'un esprit alternatif et révolté.
Les Buzzcocks, Joy Division, The Smiths, New Order ou The Fall ont été les premiers représentants de cette cité grisâtre et déshéritée, avec une musique sombre et austère, en colère aussi.
Mais à la fin des années 1980, une nouvelle génération décide d'affronter ses difficultés sociales et économiques d'une autre manière, dans la recherche du plaisir, à travers la danse et la transe - et accessoirement, les drogues, LSD et ecstasy -, comme un moyen d'échapper à ses problèmes. Tony Wilson, le patron du label Factory et du mythique club Hacienda, a justement décrit dans une interview au L.A. Times ce mouvement comme «la première révolution pop des cols bleus [les travailleurs exécutant des tâches manuelles, ndlr] depuis Elvis en 1956.
Les Beatles, les Rolling Stones, les Sex Pistols venaient de la classe moyenne... des écoles d'art. On plaisante encore sur le fait que les Beatles ont reçu leurs premières guitares de leur maman. Les groupes de Manchester, eux, les ont volées».
Fondé en 1983 par John Squire et lan Brown, qui ont grandi dans la même rue des quartiers sud de Manchester, les Stone Roses ont été parmi les premières figures de cette révolution hédoniste et prolétaire, la folie Manchester - «Madchester», comme on l'a surnommée -, les premiers lads man-cuniens à troquer les impers noirs et les polo Fred Perry contre les pantalons pattes d'eph' et les teeshirts XXL, les premiers aussi à avoir fusionné la culture acid house déferlante avec un son irrésistible de pop à guitares, conquérant le cœur de tous les ravers, rockeurs et pop lovers britanniques.
Ils ont constitué un modèle de groupe pour le courant baggy (Happy Mondays, Charlatans, Inspiral Carpets, Northside) et la brit pop (Oasis, Blur, The Verve) à venir, et on peut dire que leur premier album de 1989, The Stone Roses, a fait entrer l'Angleterre dans les années 1990.
Graffeurs, puis musiciens
Entre 1983 et 1989, le groupe a connu plusieurs styles, noms et formations, avant de se stabiliser avec le batteur Alan Wren, dit Reni - considéré par beaucoup à l'époque comme le meilleur batteur d'Angleterre depuis Keith Moon -, et Gary Mounfield, dit Mani, à la basse, dont le groove mélodieux a tout de suite trouvé sa place dans les compositions pop de Brown et Squire.
Les Stone Roses se sont d'abord fait connaître en graffant leur nom sur à peu près tous les murs de Manchester et en multipliant les concerts épiques dans des lieux atypiques (hangars, zones industrielles), suscitant l'intérêt de nombreux labels, dont Silvertone Records, qui sortira plusieurs singles (comme Elephant Stone, produit par Peter Hook de New Order), puis leur premier album, produit par John Leckie (pour ses réalisations avec The Woodentops, The La's, et The Dukes of Stratosphear).
Leckie va aider le quatuor à trouver le tempo approprié à chaque chanson, à rendre plus mélodieux les passages instrumentaux et à limiter les velléités vocales de Reni (qui harmonise pourtant superbement sur tout l'album - mais au grand dam de lan Brown, qui trouvait ces harmonies vocales «trop sixties»).
Les 11 titres de ce premier album restent principalement des morceaux pop et rock à guitares, dans un registre «jangle pop» (celle mélodieuse et aérienne des Byrds et autres Buffalo Springfield dans les années 1960), avec des harmonies vocales toutes beatle-siennes, et empruntent finalement peu à la culture club et rave.
C'est surtout avec Fool's Gold, sublime mélange de près de 10 minutes de guitares psychédéliques et de rythmes dansants (avec un des beats les plus samplés de la culture dance et hip-hop, celui de The Funky Drummer de James Brown), paru peu après l'album (et depuis ajouté en bonus de ses rééditions), que le groupe s'est pleinement inscrit dans la nouvelle culture dance-rock anglaise.
Mais lorsqu'ils enregistrent avec John Leckie, les Stone Roses sont encore imprégnés de rock psychédélique anglais et américain, les guitares somptueuses de John Squire rappelant ici Jimi Hendrix (sur Shoot You Down), là Johnny Marr (sur Bye Bye Badman), et c'est davantage la section rythmique, le jeu de batterie puissant et régulier de Reni et les lignes de basse ondoyantes de Mani, qui distillent un groove proche de la dance music.
Ressentiment
L'esprit hédoniste et extasié de cette époque (l'été 1988, rappelons-le, avait été vécu par tous les ravers anglais comme le «second été de l'amour») s'exprime plutôt dans l'explosion d'arrogance magnifique que constitue le morceau d'ouverture, Wanna Be Adored, parfaite affirmation autoréali-satrice (ou plutôt réponse en forme de mea culpa à tous ceux qui leur reprochaient d'avoir signé sur une major), où la voix éthérée de Brown est comme transportée par la cadence métronomique de la batterie et le lyrisme saturé de la guitare.
La dimension théologique des paroles ("I don't have to sell my soul / Hes already in me", psalmodie Ian Brown) reviendra dans le morceau conclusif de l'album, IAm the Resur-rection, où Brown oppose le pardon chrétien à sa soif de vengeance dans une relation conflictuelle, avant un final instrumental de toute beauté, multipliant les solos de guitares sur des cascades de breaks de batterie et de percussions.
Entre deux chansons d'amour plus ou moins amères (Song for My) Sugar Spun Sister, This Is the One, Shoot You Down), les Roses perpétuent l'expression punk et new-wave du ressentiment à l'égard de la monarchie, des politiciens et de l'establishment en général: pour Elizabeth My Dear, Ian Brown chante: "T'll not rest till she's lost her throne" sur la ballade traditionnelle anglaise Scarborough Fair; Bye Bye Badman célèbre le courage des étudiants de Mai 1968 lorsqu'ils affrontaient les forces de l'ordre dans les rues de Paris (la chanson donne aussi son titre à la toile de John Squire, inspirée par Jackson Pollock, qui orne la pochette de l'album, avec des rondelles de citron pour rappeler que c'était l'antidote au gaz lacrymogène qu'utilisaient alors les manifestants); Waterfall est une sorte de She's Leaving Home moderne, racontant la fuite d'une jeune fille de son foyer sordide, où la mélancolie de la voix est contredite par le kick de batterie sur chaque temps, une boucle lancinante de basse, les linéaments druggy de guitares wha-wha et un étrange pont baroque et sautillant, à la Left Banke.
Ainsi se dégage une atmosphère proprement révolutionnaire de cet album réunissant l'éclat de la pop sixties et l'enthousiasme de la culture rave britannique. C'est bien la revitalisation des idéaux de Mai 68, et du sentiment de communauté (d'une jeunesse découvrant la house, la techno et les psy-chotropes) qui est joyeusement palpable sur - aussi étrange que cela paraisse - un album enregistré avec des instruments électrifiés.
Pour un auditoire aujourd'hui quinquagénaire,
The Stone Roses s'est bonifié avec le temps, révélant toute sa richesse structurelle, mélodique, harmo-nique, qu'on n'avait peut-être pas perçu à 16 ou 18 ans. On y redécouvre avec plaisir quatre très bons musiciens, et même l'écriture fine de Ian Brown. La notoriété de l'album a suivi un peu le même chemi-nement: après une réception critique assez molle, l'album a été régulièrement réévalué, jusqu'à être classé en 2003 «meilleur album de tous les temps» par le NME.
Il a peut-être aussi souffert des boursouflures du second album des Roses, Second Coming
(1994), et d'une fin de carrière chaotique, qui ont en partie effacé l'aura mythologique entourant le groupe. En le réécoutant aujourd'hui, on comprend mieux de quelle nature a pu être cette dynamique culturelle et générationnelle dont les Stone Roses ont, un temps, été les porte-paroles: lanceurs de pierres, et de roses.